Ici Brazza
France - 2024 - 1H26 - VF
Ici Brazza, tout un programme : une zone en friche vit ses dernières heures. 53 hectares à bâtir pour un vaste projet immobilier dans l’air du temps. Chronique d’un terrain vague en transformation, le film scrute l’annonce d’un « nouvel art de vivre » dans la réalité brute du terrain.
« C’est un film qui tente un pari inédit : faire adopter au spectateur le point de vue d’un lieu. Brazza, quartier de la rive droite de Bordeaux, a longtemps été laissé à l’écart, servant de stocks pour les denrées en provenance des colonies françaises. Dans Sud Eau nord déplacer, Antoine Boutet s’intéressait déjà aux transformations d’un territoire en Chine, mais c’est ici au niveau local, à côté de chez lui, que le cinéaste pose sa caméra et regarde la façon dont un terrain vague évolue vers un quartier de vie et d’habitation, à travers une chorégraphie orchestrée par différents architectes. Avec une certaine distance, et des résonances comiques à la Tati, Ici Brazza offre une chronique visuellement très aboutie ainsi qu’une belle partition sonore sur un lieu se transformant en prêt-à-habiter. » Natacha Seweryn / FIFIB
« Brazza est un quartier de la rive droite de Bordeaux, nommé d’après un commissaire-général du gouvernement français en Afrique centrale. Si la rive gauche de la Garonne, sur laquelle la ville s’est historiquement développée, dédiait ses quais à l’import de fruits en provenance des colonies françaises, ici, résume un couple de retraités interrogé au début du film, « c’était que la saloperie, les charbonnages, les acides. » Et longtemps, ça l’est resté : friches industrielles accueillant des usines d’engrais chimiques, chemins de fer abandonnés, sols pollués, eaux stagnantes, boue verdâtre, squats et camps de fortunes que le cinéaste cartographie avant d’y voir apparaître des panneaux transformant ce terrain vague de cinquante-trois hectares en opportunité immobilière, des policiers pour expulser manu militari ses occupants, des bulldozers et des grues pour ériger le projet rêvé par la municipalité d’un quartier « éco-responsable ». Antoine Boutet a passé plusieurs années à filmer ce qu’il faut bien appeler, contre la promesse d’un nouvel art de vivre, la mort au travail. Comme dans un film structurel, le programme s’accomplit tel qu’annoncé, et c’est sans surprise que la nouvelle réalité promise ressemble à s’y méprendre à une modélisation sur AutoCAD. Mais entre le grand dessein architectural et les petits gestes du travail cinématographique par lesquels Boutet documente un territoire en pleine métamorphose – avec une assiduité et une inventivité constantes, du raz des fougères au sommet des grues, et par un travail sonore évoquant Tati – on sait qui, de l’éléphant blanc de l’urbanisme et de l’art termite du cinéma, survivra à l’autre. » Antoine Thirion / Cinéma du Réel