Sauvages
France - 2024 - 1H27 - VF
À Bornéo, à la lisière de la grande forêt tropicale, Kéria recueille un bébé orang-outan trouvé dans la plantation de palmiers à huile où travaille son père. Au même moment Selaï, son jeune cousin, vient trouver refuge chez eux pour échapper au conflit qui oppose sa famille nomade aux compagnies forestières. Ensemble, Kéria, Selaï et le bébé singe vont lutter contre la destruction de la forêt ancestrale, plus que jamais menacée. Mais pour Kéria, ce combat sera aussi l’occasion de découvrir la vérité sur ses origines.
« Sauvages ! est un film que je porte intimement depuis mon enfance, une autobiographie un peu déguisée. J’ai grandi dans une petite communauté paysanne suisse, à un moment où le monde paysan a basculé d’une petite communauté autonome locale qui vivait en autosubsistance et proche de la nature, à un monde agricole moderne avec des machines, des engrais chimiques et des produits phytosanitaires, basé sur la vente et le rendement. Mes grands-parents étaient des agriculteurs traditionnels, alors que mes parents ont fait partie de la génération où tout a basculé assez vite. J’ai vécu ce changement de l’intérieur. En grandissant et en réfléchissant au sens de tout cela, je me suis rendu compte que ma petite histoire n’était pas seulement personnelle et locale mais correspondait à une situation globale avec la mondialisation et la société industrielle. J’ai été sensibilisé aux enjeux liés au réchauffement climatique : on produit de plus en plus de biens de consommation et le monde sauvage disparaît. Ce constat effrayant a été le point de départ du film.
J’ai eu envie de réaliser un film sur le monde sauvage. Enfant, j’adorais les grands singes, et je me suis rendu compte qu’ils étaient parfaits pour parler des hommes et des animaux car ils sont très proches de notre espèce. J’ai choisi de m’intéresser de plus près à l’orang-outan car c’est une des espèces les plus menacées, et notamment à Bornéo en Asie, où le gouvernement a décidé de développer le pays avec la production d’huile de palme, ce qui a entraîné une déforestation massive. En 30 ans, 80% de la forêt primaire a disparu pour y planter des palmiers à huile. Les gens qui habitaient ces forêts se sont transformés en ouvriers agricoles. Avant, ils produisaient leur propre nourriture alors qu’ils doivent désormais l’acheter, ce qui a provoqué une grande pauvreté même s’ils ont accès à un monde moderne. C’est une problématique culturelle et sociale assez large.
Je me suis beaucoup documenté, et je suis parti deux mois en Indonésie à Bornéo en 2018. J’ai tout de suite voulu éviter de tomber dans les clichés du monde sauvage en opposition aux méchants industriels. Comme le film traite spécifiquement des chasseurs-cueilleurs qui vivent dans ces forêts, j’avais besoin des les rencontrer, de leur expliquer mon projet et d’être en immersion avec eux pour découvrir leur mode de vie. Cette expérience fut une révélation : on s’est sentis très proches, j’ai eu l’impression de voir mes grands-parents à travers eux, d’une certaine façon. C’était génial. Ce qui est assez étonnant c’est que de fil en aiguille, je suis tombé dans un petit groupe familial où je retrouvais les personnages de mon film que j’avais déjà commencé à écrire. Il y avait une petite fille qui est retournée chez son grand père après avoir fait deux ans d’école. Elle n’y était pas bien, et ses parents ont décidé de la reprendre avec eux et lui apprendre la vie en forêt. Les territoires de ces familles sont menacés : il reste environ 200 nomades qui vivent dans la forêt sans village fixe. » Claude Barras / Benshi