La Folie Almayer

de Chantal Akerman

avec Stanislas Merhar, Aurora Marion, Marc Barbé

France - 2012 - 2H02 - VF

  • Rétrospective
Rétrospective Chantal Akerman cycle 2 (1996 à 2015)

Quelque part en Asie du Sud-Est, au bord d’un fleuve tumultueux, un Européen s’accroche à ses rêves de fortune par amour pour sa fille. Une histoire de passion, de perdition et de folie, adaptée du roman de Joseph Conrad.

« Chantal Akerman renoue également avec l’adaptation littéraire, après son appropriation pour le moins réussie de Marcel Proust (La Captive, 2000), c’est avec la même liberté qu’elle s’empare du premier roman de Joseph Conrad, La Folie Almayer (1895) ; sachant que cette liberté s’avère bien souvent un gage de fidélité vis-à-vis de l’œuvre originelle. S’il est bien question de la perdition d’un aventurier blanc en Asie, le film retient avant tout la dimension atmosphérique de l’écrivain britannique, une inimitable charge sensorielle, notamment dans l’évocation des lieux ; ici, la jungle et surtout le fleuve représentent de véritables personnages qui « agissent » de façon alchimique dans leurs relations avec les êtres. La cinéaste s’est aussi accordée le droit d’inventer, notamment en donnant une tournure contemporaine au récit par le biais des segments urbains – tournés au Cambodge –, tandis que la jungle demeure figée dans une incertitude temporelle entre crépuscule du XIXe (le roman date de 1895) siècle et aube du XXe. Invention aussi d’une scène d’ouverture renversante qui organise le film en un ample flash-back. D’emblée, on est saisi par le magnétisme de l’écriture cinématographique, et bientôt par l’extraordinaire beauté de Nina – Aurora Marion, dont c’est le premier long-métrage, on en souhaite beaucoup d’autres. Un plan fixe pose le dancing d’une contrée exotique comme décor. On progresse dans les pas d’un homme qui avance vers la scène où se produit un crooner secondé par des danseuses disposées derrière lui. « L’homme » poignarde le chanteur ; tout le monde déguerpit, sauf Nina. Dans une sorte d’hébétude, elle continue à se trémousser avant de cesser progressivement pour venir face caméra – très gros plan pour le moins troublant – et livrer un chant déchirant, dont on comprendra qu’il s’agit de la marque d’émancipation d’une captive. Comme d’autres personnages du film qui s’ouvre ainsi, nous voilà ensorcelés. Et pas seulement parce qu’on se situe souvent dans la jungle, Chantal Akerman n’est pas sans « adapter » ici un certain Apichatpong Weerasethakul. » Critikat