Rétrospective Jean Grémillon – L’amour fou !

du mercredi 24 au mercredi 31 mai
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Rétrospective Jean Grémillon - L'amour fou en 8 films du mercredi 24 mai au mardi 31 mai !

Né en 1901, réalisateur, scénariste, musicien, compositeur, auteur, Jean Grémillon est un artiste complet, singulier, qui reste l’un des réalisateurs importants de l’histoire du cinéma français. Issu d’un milieu modeste, le jeune Grémillon doit d’abord imposer à son père son désir de faire des études musicales. En 1920, il vient à Paris suivre les cours de la Schola Cantorum. Il se lie à l’avant-garde musicale et théâtrale des années 1920 et découvre le cinéma comme pianiste de salle en accompagnant des films muets. Il tourne son premier long métrage dès la fin du muet, Maldone. Gardiens de phare, produit par Jacques Feyder en 1929, est un succès qui l’amène à rencontrer Charles Spaak, avec lequel il réalise La Petite Lise, qui provoque leur renvoi immédiat de chez Pathé-Natan. En 1937, il fait tourner Jean Gabin dans Gueule d’amour et l’année d’après Raimu dans L’Étrange Monsieur Victor, deux films qui lui assurent la consécration artistique et populaire. Durant l’occupation, il réalise Lumière d’été avec Pierre Brasseur et Le ciel est à vous avec Madeleine Renaud et Charles Vanel. Après la Libération, il se lance dans plusieurs projets de films historiques à visées révolutionnaires sur la Commune de Paris, la Guerre d’Espagne etc., dont aucun ne verra le jour. Il sera lâché en cours de route par ses producteurs. Après quatre ans passés sans tourner, il réalise Pattes blanches, qui déroute la critique et le public, ce qui le ramène à un manque de moyens. Il réalise ensuite L’Étrange Madame X, puis plusieurs courts-métrages, et son dernier long-métrage, L’Amour d’une femme, avec Micheline Presle. Après quelques documentaires, dont un film sur le peintre André Masson, Jean Grémillon s’éteint prématurément le 25 novembre 1959.

Daïnah la Métisse

de Jean Gremillon

avec Laurence Clavius et Charles Vanel

France - 1932 - 0H50 - Version restaurée

Sur un paquebot de luxe où elle accompagne son mari, Daïnah la métisse use de son charme étrange et de son exotisme troublant.

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On ne saura probablement jamais à quoi aurait ressemblé le montage initial de Daïnah la métisse. Amputé de sa moitié avant même sa sortie en salles, le film de Jean Grémillon s’est mû, à son corps défendant, en une anomalie, traversée de béances qui ajoutent paradoxalement à la beauté de cette heure de poésie noire. Il faut embarquer dans le Grémillon comme on entre en songe, et s’enfoncer, médusé, dans le décor du transatlantique, ses coursives, ses courbes et ses droites filmées avec la poésie géométrique d’un Dziga Vertov. Se laisser entraîner dans un bal masqué proprement inouï, hallucination cauchemardesque où les portraits branques de Braque et Picasso semblent avoir pris corps. Admirer, béat, un prestidigitateur faire tournoyer ses poignards puis disparaître dans un nuage de fumée. Enfin, s’émerveiller, interdit, devant Daïnah, son étole blanche, sa fantastique parure de bal, sa chorégraphie sensuelle, violente et jazzy, et son spleen de bastingage. Daïnah, mystérieuse Laurence Clavius, actrice métisse à la beauté irréelle, un seul film et puis s’en va, un destin à l’image du film, fugace et insaisissable. Illusionniste, Grémillon l’est aussi, qui invite à un voyage insolite. Il a Epstein, Dulac, Cocteau et Richter comme compagnons de cabine, et a laissé loin dans son sillage et l’anonymat les producteurs qui un jour voulurent le faire redescendre sur terre.

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Gueule d’amour

de Jean Gremillon

avec Jean Gabin, Mireille Balin et Pierre Etchepare

France - 1937 - 1H36 - Version restaurée

Lucien, un jeune sous-officier des Spahis en garnison à Orange fait chavirer le cœur de toutes les femmes au point qu’on l’a surnommé « Gueule d’Amour ». Il s’éprend de Madeleine, une demi-mondaine mais celle-ci se joue de lui. Vexé, Lucien va provoquer un drame …

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Pour son grand retour au cinéma (le film donne à Grémillon la chance d’une nouvelle carrière), le cinéaste reprend en les variant plusieurs motifs de son premier chef-d’œuvre parlant, La Petite Lise (1930). Au lieu d’un bagnard (Alcover) rendu à la vie civile, c’est un militaire (Gabin) qui quitte l’armée. Ils obtiennent un travail à Paris (l’atelier d’une scierie, d’une imprimerie). Ils retrouvent dans la ville une femme, entretenue par un autre homme : la fille du bagnard dans La Petite Lise, une vamp dans Gueule d’amour. Au milieu sordide du premier fi lm succède un cadre luxueux aussi trouble pour le second. Les deux situations aboutissent à un meurtre et au retour de l’homme à son point de départ (bagne à Cayenne, légion en Afrique). Grand film pudique sur les relations tendres entre deux hommes, Gueule d’amour est une épure de tragédie.

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L’étrange Monsieur Victor

de Jean Gremillon

avec Pierre Blanchar, Madeleine Renaud et Viviane Romance

France - 1938 - 1H50 - Version restaurée

Sous le nom de Monsieur Victor se cache une double personnalité : celle d’un honorable commerçant le jour qui, la nuit, devient le chef d’une bande de voleurs. Un jour il tue un homme mais laisse accuser son voisin qui est envoyé au bagne. Il décide alors de s’occuper de l’enfant de son voisin en donnant de l’argent à sa femme.

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Un film « noir » demeuré, à l’image de son réalisateur, « maudit ». Le film fut tourné en co-production avec l’Allemagne à l’aube du conflit mondial et fit, à Paris, une carrière éclair. Une plongée dans l’âme humaine orchestrée par un Raimu plus génial que jamais.

Pour le premier de ses quatre chefs-d’œuvre de fiction, durant son âge d’or de 1938 à 1944, Grémillon cite cette fois de façon directe La petite Lise, le personnage du cordonnier se retrouvant au bagne. Ce n’est pas à Paris qu’il revient mais à Toulon, où le drame se tisse derrière les persiennes d’un vaste appartement. C’est à son premier long métrage muet qu’on pense, Maldone, tant les deux œuvres se trouvent placées sous le même signe d’une identité mal assumée, d’une dualité qui divise l’être (Dullin dans le film muet, Raimu dans le parlant). Le retour auprès du cinéaste du musicien Roland-Manuel renforce la dimension poétique du film. Grémillon travaille son sujet en documentariste, ce qui donne lieu à deux des plus belles scènes d’amour du cinéma français, placées dans le cadre quotidien d’une vaisselle puis d’un repassage.

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Remorques

de Jean Gremillon

avec Jean Gabin, Madeleine Renaud et Michèle Morgan

France - 1941 - 1H32 - Version restaurée

André Laurent, capitaine du remorqueur Le Cyclone, assiste avec son équipage à la noce d’un de ses marins avant d’être appelé en urgence pour secourir les passagers d’un cargo, dont Catherine, l’épouse du commandant. Alors que sa femme Yvonne lui dissimule sa maladie et le supplie de prendre sa retraite, André tombe follement amoureux de Catherine, avec laquelle il débute une liaison…

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Splendide poème marin signé Jean Grémillon, cinéaste amoureux de la mer, Remorques réunit à nouveau le couple mythique de Quai des brumes, Jean Gabin et Michèle Morgan. Outre la dimension sociale et le souci du réalisme auquel tient ce réalisateur issu du documentaire, Remorques bénéficie du lyrisme et de la poésie qui sourdent de la plume de Jacques Prévert. Jean Grémillon est le brillant maître d’œuvre de cette symphonie des sentiments balayée par les forces de la nature. Le noir et blanc, somptueux, joue de l’opposition entre les scènes nocturnes sur les flots agités, et les moments à terre baignés de lumière. La tempête se fait alors intérieure, révélant aux personnages la véritable nature de leurs sentiments. Jean Grémillon prête également une attention particulière à la bande son : bruits de moteur et de ferraille, sirènes, grondements de la mer pour finir par un superbe chœur antique faisant basculer le film dans la pure tragédie, à la fois humaine et cosmique.

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Lumière d’été

de Jean Gremillon

avec Madeleine Robinson, Paul Bernard, Madeleine Renaud et Pierre Brasseur

France - 1943 - 1H49 - Version restaurée

Sous le nom de Monsieur Victor se cache une double personnalité : celle d’un honorable commerçant le jour qui, la nuit, devient le chef d’une bande de voleurs. Un jour il tue un homme mais laisse accuser son voisin qui est envoyé au bagne. Il décide alors de s’occuper de l’enfant de son voisin en donnant de l’argent à sa femme.

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Censure, difficultés de production, un tournage en zone libre sous l’Occupation, des noms comme celui de Trauner, décorateur juif, passés sous silence au générique, et un très mauvais accueil à sa sortie… Lumière d’été achève d’installer Grémillon en cinéaste maudit. Et pourtant, cette parabole au sous-texte anti-collaborationniste, émaillée de détails à double sens, contient toute l’essence de son cinéma. Un cinéma social, limpide, parfois hors du temps, comme détaché, presque onirique. Dans cette fantaisie baroque incrustée au cœur d’un cinéma porté au plus pur des classicismes, le cinéaste conçoit chacun de ses plans à la beauté austère comme autant de barrages, de murs bâtis en vue de colmater pour un temps des flux d’énergie peu contrôlables. Dans cet effort se perçoit le sens classique d’une grandeur qui entend sublimer le chaos du monde.

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Le Ciel est à vous

de Jean Gremillon

avec Madeleine Renaud, Charles Vanel et Jean Debucourt

France - 1944 - 1H49 - Version restaurée

France, 1944. Un couple ordinaire se laisse gagner par la passion de l’aviation. La femme, devenue aviatrice émérite, accumule les trophées et veut battre le record de distance en ligne droite.

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Chef-d’œuvre absolu du cinéma français, clef de voûte de l’univers de Jean Grémillon, Le Ciel est à vous est un grand film sur la passion sous toutes ses formes. Passion d’un couple associant un homme sensible à une femme volontaire, passion pour le métier de garagiste vécu comme un bel artisanat, passion absolue des parents pour l’aviation, passion contrariée pour la musique de leur fille pianiste. Le cinéaste ne cache pas les difficultés à faire coexister au quotidien toutes ces passions ; donnant sa chance à chaque personnage, il scrute la gamme des existences dans leurs parcours aventureux, entre foi et doute, douceur et douleur. Le film poursuit tout du long du récit une comparaison subtile entre un piano et un avion. Du déchirement à l’exaltation, Le Ciel est à vous entraîne son spectateur aux cimes de l’art du cinéma.

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Pattes blanches

de Jean Grémillon

avec Fernand Ledoux, Suzy Delair et Michel Bouquet

France - 1949 - 1H46 - Version restaurée

Dans un petit port breton, Jock, mareyeur fortuné, ramène de Saint-Brieuc une femme, Odette. Deux hommes sont troublés par cette arrivée : Kériadec, châtelain ruiné, et Maurice le frère bâtard de celui-ci. Odette devient la maîtresse du châtelain, mais en réalité elle aime passionnément Maurice et elle acceptera de devenir entre ses mains, l’instrument d’une revanche sur Kériadec.

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Le moins inachevé de ses longs métrages cabossés d’après-guerre, Pattes blanches est une œuvre composite à multiples facettes, associant bien des registres. Il y a le sombre Michel Bouquet et la lumineuse Arlette Thomas, le jeune couple du Printemps de la liberté, projet essentiel qui venait d’échouer. Maigre et possédé, Bouquet évoque la fièvre d’Antonin Artaud. Regard pur, Arlette Thomas porte une grâce intérieure qui ne la quittera pas. Homme blessé par les épreuves, Paul Bernard est à nouveau châtelain comme dans Lumière d’été, mais il a troqué sa parure chatoyante de perversion pour une tenue plus simple et plus humaine. En homme rude, Fernand Ledoux endosse un rôle tragique, distinct de sa composition de Remorques. Grémillon reprend la poésie bretonne dans cette œuvre grave illuminée par la musique d’Elsa Barraine.

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L’Amour d’une femme

de Jean Grémillon

avec Micheline Presle, Massimo Girotti et Gaby Morlay

France - 1953 - 1H44 - Version restaurée

Marie, une jeune doctoresse, se rend sur l’île d’Ouessant, afin de remplacer un vieux praticien. Grâce à ses compétences et son dévouement, elle parvient à se faire accepter par les insulaires. André, un ingénieur installé provisoirement dans la région, la demande en mariage. Pour suivre celui qu’elle aime, elle doit renoncer à son métier.

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François Truffaut voyait dans la figure féminine « une cousine de l’aviatrice du Ciel est à vous », parlant à son propos de « sainteté laïque ». Ce film presque abstrait sur la grandeur et la douleur de la solitude assumée s’accorde aux paysages austères de l’île d’Ouessant. Futur désolé de la jeune doctoresse, l’institutrice qui meurt au seuil de sa retraite condense l’âpre tragique du film ; prononcée par le cinéaste lui-même qui double de façon poignante Paolo Stoppa, son oraison funèbre résonne comme l’adieu de Grémillon au monde officiel du cinéma. Ce dernier long métrage de fiction de Jean Grémillon n’en présente pas moins des aspects attachants qui rappellent les accomplissements passés du cinéaste.

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